L’imposant Temple Arthur Groussier était plein à craquer, ce 17 mai 2025, pour un concert dédié à deux des plus illustres musiciens Francs-Maçons, Mozart et Saint-George. Le Grand Orient de France avait, en effet, invité l’association Le Concert de Monsieur de Saint-George à y organiser un concert à l’occasion de la parution de la nouvelle édition (augmentée) du livre d’Alain Guédé, « Monsieur de Saint-George » et dans le cadre des Nuits des Musées. Le siège du GODF, rue Cadet à Paris, abrite en effet le musée de la Maçonnerie.
L’objectif de ce concert -au financement duquel le GODF a participé- était de comparer ces deux génies : Mozart au travers d’une oeuvre qui magnifie l’écriture harmonique et notamment sa technique du contrepoint, le célèbre Divertimento pour instruments à cordes ; Saint-George avec plusieurs de ses compositions qui mettent en évidence un art inouï de la mélodie et la virtuosité au violon. Il en ressort une évidence : par delà une sonorité commune qui est celle de tous les musiciens des Lumières (notamment Haydn), Saint-George et Mozart ne sont pas totalement comparables. Le compositeur autrichien s’inscrit davantage dans la science de la construction musicale et le fait dans ce Divertimento avec l’esprit facétieux qui le caractérisait. Il est, à ce titre, l’héritier des baroques et le légataire de Bach (l’inventeur du contrepoint). Le natif des Antilles se situe plus et mieux dans l’esprit des philosophes des Lumières qui, tels Rousseau et Diderot, appelaient de leurs voeux une musique moins savante, mais plus tournée vers les sentiments et avide de virtuosité. Or, celle de Saint-George, était prodigieuse.
Cette virtuosité fut, aussi, grandement facilitée par les progrès techniques liés à l’esprit des encyclopédistes incarné par Diderot et d’Alembert. La facture des instruments a, ainsi, considérablement progressé au XVIIIème siècle, ainsi et surtout que celle des archets grâce aux expéditions des savants naturalistes français qui découvrent alors l’usage que l’on peut faire du permambouc, cet arbre brésilien qui produit un bois deux fois plus rigide que celui des essences européennes. Grâce à ces progrès, Saint-George peut alors composer des oeuvres d’une audace jusqu’alors inconnue avec des enchaînements d’une virtuosité impressionnante et des sauts des aigus aux graves prodigieux. Pour de nombreux musicologues, il est incontestablement le père de la musique moderne au violon. Question : si Saint-George peut mériter le titre de « Mozart noir », Mozart peut-il avoir celui de Saint-George blanc ?
Au cours de ce concert, le violoniste solo Romuald Grimbert-Barré – accompagné par le septuor des Musiciens des Lumières – a, avec un talent impressionnant, parfaitement mis en valeur les ressources des partitions de Saint-George. Sa performance, ainsi que celle de l’orchestre, a été acclamé par un public enthousiaste. (Photo : Jean-Luc Gironde)